Mundus Vergens le monde disparaît

8/07/2024

CONTRE LE TEMPS Cécile Walch, Karin Weston, sopranos • Amy Farnell, Julia Marty, mezzo-sopranos

Dans un monde en perdition, la recherche d’une rédemption dans la profondeur de l’être où l’on retrouve la beauté, le calme, l’harmonie et une certaine forme de divin.

Ou donc trouver la force sur laquelle m’appuyer ?
Ce cri de désespoir est le cri individuel de Job dans l’offertoire grégorien Vir erat, auquel répond la schola, à l’image du chœur des tragiques grecs, implacable comme le destin : « Il perdit tous ses biens et ses fils et sa chair fut meurtrie par un violent ulcère ». Cet appel à l’aide exprime ce sentiment universel de l’effondrement du monde, et résonne avec toute sa force depuis Moyen Âge jusqu’à nos jours. Ce programme part de ce grave constat que l’univers va à sa perte. Nous nous engouffrons dans les tourments de Job pour voir « le soleil se couchant couvrir le globe d’un nuage de tristesse ». Pour trouver une issue dans ce monde obscur, nous cherchons une rédemption dans la profondeur de l’être où l’on retrouve beauté, calme, harmonie et une certaine forme de divin. Cette harmonie retrouvée trouve son apothéose dans le conduit à quatre voix Deus Misertus hominis, chef d’œuvre du Haut Moyen Âge aux couleurs sonores inouïes. Il est accompagné de mouvements dansés rappelant les danses cléricales dont on a la trace au XIIIe siècle et qui symbolisaient alors les mouvements du monde et des sphères. Ainsi, par ce calme et cette écoute retrouvés, par l’intégration corporelle de cette harmonie, nous pouvons affronter la tempête qui nous entoure et continuer à vivre.
Ce programme cherche à retrouver ce qui pourrait être l’univers sonore de la cathédrale Notre Dame de Paris. Différents types de compositions s’entremêlent, étroitement liés les uns aux autres. Les conducti de Notre Dame sont des pièces très spécifiques de cette époque, avec jusqu’à quatre voix prononçant le texte ensemble à la même vitesse, en homorythmie. Les couleurs harmoniques de ces pièces sont uniques et riches, alternant douceur profonde et âpres dissonances. Elles sont entourées de deux Offertoires en chant grégorien, principales pièces solistes de la liturgie, longs, dramatiques et intenses, exigeants vocalement et hautement mélismatiques.
Une autre façon pour les musiciens médiévaux d’actualiser un morceau était de l’agrémenter de ce qu’ils appelaient des tropes, textes nouveaux ou nouvelles mélodies ajoutés à une musique déjà existante. On retrouve ce phénomène tout au long du Moyen Âge, transformant certaines pièces en véritables puzzles, convertissant même parfois une pièce sacrée en pièce profane. Grâce à ce processus, une mélodie voyageait et développait sa propre vie. La composition proposée est influencée par cette technique : le poème de trouvère, Contre le Temps, est inséré sur une mélodie de conductus monodique, Sol Eclypsim Patitur, à laquelle des voix sont ensuite ajoutées. Cette composition reste toujours ouverte à l’improvisation, comme elle l’était probablement à l’époque médiévale, conférant à chaque version une immédiateté et une vitalité unique.

Ensemble vocal féminin spécialisé dans la musique médiévale, Contre le Temps a été fondé par des musiciennes de la Schola Cantorum Basiliensis. Chaque chanteuse y est également instrumentiste. Contre le Temps a consacré son premier programme à la polyphonie française – du répertoire de Notre-Dame à Guillaume Dufay –, avant d’aborder la musique sacrée anglaise.
Pour le Petit festival, l’ensemble explore un thème fréquent au Moyen-Âge, la correspondance entre la musique et la course des étoiles, qui liait musique, mathématiques et astronomie.

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